Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation de Julie Boulianne
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 14 juin 2019
Si les fées existent, elles se sont toutes accaparées de Julie Boulianne pour en être les marraines attitrées. La carrière de cette enfant de Dolbeau-Mistassini ne doit rien à Cendrillon, mais tout au privilège d’un don qu’elle a su tailler comme l’orfèvre un diamant.
L’apprentie pianiste de son enfance, inscrite en sciences de la nature, ne veut pas renoncer à la musique. Croyant, à tort, cette discipline moins exigeante que le piano, elle se laisse tenter par le chant. Avec bonheur. En 1999, l’élève de Luce Gaudreault quitte le Collège d’Alma bardée de deux diplômes et gagne le premier prix au Concours de musique du Canada. Signe du destin, ce prix la convainc de délaisser les sciences et de poursuivre sa formation en chant à l’École de musique Schulich de l’Université McGill et à la Juilliard School of Music de New York. Sous la direction de maîtres prestigieux, tels Charles Dutoît, Yannick Nézet-Séguin, Michaël TilsonThomas, Placido Domingo, Sir John Eliot Gardiner et Sir Roger Norrington, Julie cisèle sa voix dont les critiques les plus sévères soulignent la pureté et la tessiture parfaite pour une mezzo-soprano.
Frédéric Cardin, chroniqueur à CBC/Radio-Canada, commentant l’album Clavecin en concert, écrit :
« Il y a de ces voix qui semblent taillées dans la soie, car elles effleurent nos sens. Puis, on s’aperçoit qu’elles ont également la force et l’éclat du plus beau marbre. Puis se révèlent la fluidité et la malléabilité du miel. Je dirais que Julie Boulianne possède tous ces atouts. »
Née à Dolbeau-Mistassini le 21 novembre 1978, Julie est la fille de Jean-Roch Boulianne, gestionnaire, administrateur pour différentes compagnies, passionné de sport, amateur de musique, et de Denise Guay, professeur de biologie et de musique au secondaire, aimant les arts sous toutes les formes. Le couple a deux filles, mais aussi de nombreux parents ayant un goût fort prononcé pour la fête, propice à l’éclosion d’une boulimie de plaisirs. Les voyages, la musique, la science-fiction, le vin, les burgers, Julie rêve de tout faire, de tout pouvoir.
Menant de front une formation poussée en chant lyrique et une carrière prometteuse en Europe comme aux États-Unis, la mezzo-soprano avance à son rythme. Toute sa vie, chaque évènement semble arriver au bon moment. Du haut de son 1 mètre 57, la chanteuse ne cesse de grandir. Depuis l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal jusqu’au Metropolitain Opera de New York, les personnages les plus divers frappent à sa loge; des femmes et des hommes qu’elle incarne sur les grandes scènes du monde, accompagnée des orchestres les plus prestigieux. En ce moment, et jusqu’au 10 juillet, Julie Boulianne donne la réplique à Faust que campe le ténor londonien Allan Clayton dans La Damnation de Faust au Glyndebourne Festival. Elle est la Marguerite amoureuse et tragique de Faust, rôle qu’elle a chanté dans une mise en scène de Robert Lepage au Grand théâtre de Québec en 2013. Non seulement elle aura interprété près de 30 rôles majeurs et donné des concerts sur plusieurs continents, mais sa discographie compte près d’une dizaine d’albums sous étiquettes Naxos, Atma, Analekta, Alpha et Decca. Une carrière exceptionnelle couronnée par de nombreux prix et nominations. Parmi ceux-ci, deux fois le Prix Opus, en 2012 pour le rayonnement à l’étranger et, en 2017, au titre d’Interprète de l’année. Il y a dix ans, elle obtenait le prix lyrique français et son album Alma Opressa Arias de Vivaldi et Handel est sacré disque de l’année-musique Médiévale et de la Renaissance Prix Opus 2018. Récemment, l’album Fauré : Intégrale des mélodies pour voix et piano recevait le Prix Opus – Disque de l’année–musique classique, romantique, postromantique, impressionniste.
La petite fille qui rêvait de voyages est comblée. Elle transforme ses temps libres en visites touristiques, ravie des nombreuses expériences culinaires qui comblent sa gourmandise autant que sa curiosité. Le yoga, le cinéma, la lecture et le tricot contribuent à sa détenteet font oublier la nostalgie qu’elle éprouve parfois d’être si souvent loin de sa famille. Toutes ces années, elle a appris à jongler avec le temps et l’espace pour partager un temps précieux avec les personnes aimées de sa vie. Aujourd’hui, elle prépare un retour certain, quoiqu’encore lointain, à son port natal, avec l’achat d’un chalet sur les bords du Piékouagami. Elle explique, disant :
« J’ai beaucoup de famille encore au Saguenay–Lac-Saint-Jean. J’y reviens donc aussitôt que c’est possible. Ce sont mes racines. C’est l’endroit où je reviens à mon essence et où je me reconnais. C’est l’endroit où on comprend mon humour et c’est l’endroit où, surtout, je peux manger du chocolat aux bleuets des Pères Trappistes. »
Ses retours sont rarement égoïstes. Julie contribue volontiers à divers concerts-bénéfices et classes de maître au profit du Fonds pour le développement de la musique au Collège d'Alma. Depuis 2016, elle verse un montant récurrent à la Société d’Art lyrique du Royaume. C’est sa façon de rendre aux gens de sa région ce qu’elle a reçu d’eux : les encouragements, le soutien, la formation et la chance de se produire sur scène et ainsi accroître un bagage artistique qui lui fut salutaire à son entrée dans les grandes écoles.
Ce soir, c’est à notre tour de dire à cette artiste notre reconnaissance et notre fierté pour sa générosité et sa brillante carrière.
Le 14 juin 2019
Julie Boulianne
Mezzo-soprano,
pour sa carrière exceptionnelle
et son attachement indéfectible à sa région natale
fut reçue
Membre de l’Ordre du Bleuet